Un opéra coopératif monté à Saint-Brieuc
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"Créer une émulation autour de l’art lyrique"
Sébastien Taillard, chef d’orchestre et professeur au conservatoire, revient sur ses terres d’origine pour monter ce projet. Il a réussi à impliquer différents partenaires pour faire découvrir l’opéra au plus grand nombre. Rendez-vous les 6 et 7 avril, salle de Robien, à Saint-Brieuc.
En quoi consiste Le Labopéra Saint-Brieuc Bretagne ?
L’idée est de monter un opéra sur Saint-Brieuc en collaboration avec le maximum d’acteurs du territoire.
Quel est l’objectif ?
L’objectif de ce projet est de permettre au plus grand nombre de découvrir l’opéra et de créer une émulation autour de l’art lyrique. Pour cela, il faut aller à la rencontre du public, faire participer la population, investir des lieux familiers et choisir une œuvre adaptée.
Est-ce la première expérience en France ?
Non, c’est la première en Bretagne ! Le Labopéra Saint-Brieuc Bretagne fait partie du réseau national de La Fabrique opéra qui a été créée en 2007 par le chef d’orchestre Patrick Souillot. Sa mission est à la fois culturelle, sociale et pédagogique. J’ai répondu à un appel à projets de la Fabrique opéra en 2021. Trois projets sur 80 ont été retenus. Saint-Brieuc en fait partie avec Dijon et Perpignan.
Pourquoi avoir ancré Le Labopéra à Saint-Brieuc ?
Tout simplement parce que j’ai grandi à Saint-Brieuc, que toute ma famille y vit encore. J’ai étudié et travaillé à Paris, Genève, Rennes, Nantes, mais j’ai toujours voulu revenir sur mon territoire pour y créer quelque chose. J’ai été douze ans élève au conservatoire de Saint-Brieuc, j’ai fait partie de l’harmonie… C’est ici que mon parcours musical et professionnel s’est construit.
Vous êtes professeur de musique et chef d’orchestre, mais pour Le Labopéra, votre rôle est bien plus large ?
Je serai le chef d’orchestre du Labopéra, mais je travaille sur le projet depuis plus d’un an. En tant que porteur de projet, mon rôle est de fédérer une équipe artistique, mais aussi de créer du lien avec des établissements scolaires, de trouver des mécènes, des partenaires…
Quelles collaborations avez-vous créées sur le territoire ?
La mise en scène est réalisée par Zouliha Magri et Christophe Duffay, du Théâtre du Totem. Les décors et les costumes sont imaginés et fabriqués par des élèves des lycées professionnels Jean-Moulin et Sacré Cœur. Les professeurs et les lycéens sont investis depuis l’année dernière ! Le Labopera fait même partie, pour certains, des épreuves pour le diplôme professionnel. Les auditions et les répétitions des chœurs – constitués de choristes amateurs du territoire – se déroulent à la Villa Carmélie avec qui nous collaborons pour les rôles d’enfants. L’orchestre est composé de 36 instrumentistes professionnels de Saint-Brieuc et alentours… Seuls les dix solistes viennent d’un peu partout en France et même de l’étranger.
Pourquoi avoir choisi La Flûte enchantée comme opéra ?
C’est un opéra accessible, plutôt gai, avec un chœur et plusieurs niveaux de lecture. Enfin, tout le monde connaît l’air de La Reine de la nuit et Mozart est sans doute le plus connu des compositeurs de la période classique. Pour rendre l’œuvre encore plus abordable, les chants seront en allemand, mais les dialogues et la narration seront en français.
Et enfin, pourquoi la salle de Robien ?
Il nous fallait 900 places et surtout la possibilité d’occuper les lieux pendant 15 jours avant les deux représentations des 6 et 7 avril. Mais cette salle me plaît parce qu’elle n’est pas connotée, qu’elle ne va pas faire peur au public.
Le chœur répète à la Villa Carmélie
Le chœur du Labopéra est constitué d’une trentaine de choristes de Saint-Brieuc et des alentours. Ils répètent toutes les trois ou quatre semaines jusqu’en mars à la Villa Carmélie avec Stéphanie Egret et/ou Elénore Le Lamer, respectivement cheffes de chœur au conservatoire de Saint-Brieuc et dans la région rennaise. « Nous avons sollicité nos élèves et nos réseaux, confie Stéphanie Egret. Mais il nous manque encore quelques voix d’homme... »
Si les choristes engagés sont des amateurs, leur niveau est à la hauteur du projet. « Il faut avoir une appétence pour l’opéra et l’allemand, être prêt à apprendre par chœur tous les chants, à travailler régulièrement entre les répétitions et à être en mouvement sur scène, explique la cheffe de chœur. En outre, La Flûte enchantée, malgré les apparences, est un opéra exigeant musicalement et vocalement. »
Le projet enthousiasme Stéphanie Egret qui a répondu tout de suite favorablement à la proposition du chef d’orchestre Sébastien Taillard. « Un tel projet, sur une œuvre connue, est exceptionnel », assure-t-elle. Les choristes sont tout aussi motivés. « Ils apprécient notamment de répéter avec une autre cheffe de chœur. Cela leur permet de découvrir d’autres façons de travailler. »
Ils confectionnent les costumes des huit solistes
Des élèves de la filière Métiers de la mode, au lycée Jean-Moulin (Saint-Brieuc), sont impliqués dans le projet depuis septembre 2022. Une belle occasion de découvrir l’opéra.
« Nous avons été contactées par Sébastien Taillard, le chef d’orchestre du Labopéra Saint-Brieuc Bretagne, au printemps 2022, pour que nos élèves imaginent et confectionnent les costumes des huit comédiens principaux », se souvient Kristell Guillevic, enseignante de technique professionnelle, au lycée Jean-Moulin (Saint-Brieuc). Le projet séduit l’équipe pédagogique de la filière Métiers de la mode qui le propose, dès la rentrée suivante, à la classe de première.
« Avant de passer à la confection des costumes, tout un travail a été mené sur l’opéra, l’art lyrique et La Flûte enchantée », raconte Laure Pierre, documentaliste. En lettres, par exemple, les élèves ont d’abord découvert l’opéra à travers Starmania et Zaïde. Ils ont même assisté à une représentation de cette dernière œuvre, à l’opéra de Rennes. « Nous avons été en coulisses et avons échangé avec la maquilleuse-coiffeuse », se souvient Naël Durand, un des lycéens impliqués dans Le Labopéra.
Ensuite, « nous avons étudié l’histoire des costumes de scène et dessiné des croquis », explique Solenne Gardie, enseignante en arts appliqués. Douze ateliers avec Zouliha Magri, du Théâtre du Totem, ont aussi permis aux élèves de s’approprier le projet. La metteuse en scène et comédienne a notamment donner des cours d’éloquence aux élèves pour qu’ils soient plus à l’aise lors de leur oral de fin d’année.
Huit binômes ont travaillé sur le costume d’un personnage suivant un cahier des charges bien précis. Ainsi, Naël et Lilou se sont concentrés sur celui de Papageno qui sera dans les camaïeux de verts et de bleus. « Nous avons imaginé une cape avec des plumes colorées », sourit le jeune homme qui va devoir les coudre toutes à la main.
La confection des costumes est financée par le lycée qui a obtenu une subvention de la Région. « Pour rentrer dans le budget, nous collaborons avec Artex qui nous a trouvé des tissus de seconde main dans des tons et des matières appropriés », explique Olivia Crespel, enseignante de technique professionnelle.
« C’est un projet très motivant, confie Chloé Prigent, une des élèves. On découvre l’opéra et plein d’autres domaines. En plus, nos vêtements vont vraiment servir! »